Pourquoi faut-il jouer au docteur avec la Chine ?
A l’heure où les échauffourées avant les jeux olympiques commencent, je voudrais tout d’abord saluer le courage et la ténacité du peuple tibétain et des personnes qui les soutiennent. Pourtant, les valeurs qui régissent la politique chinoise ne sont que peu touchées. Je voudrais aussi expliquer pourquoi les puissances occidentales ne réagissent pas comme il conviendrait. Cela tient du fait de leur méconnaissance de la mentalité chinoise et de leur couardise. Pourtant, plus de bon sens changerait beaucoup, sans verser ni de sang ni de larmes.
Beaucoup de gens en Europe, y compris les intellectuels n’ont qu’une connaissance superficielle de la Chine : «la nourriture est bonne parce que légère » ;« ils sont partout » ; « mon cousin a une amie chinoise qui sourit tout le temps ».
Les forces sous jacentes du paradigme sociétal chinois ne leur sont pas compréhensibles, pour la simple et bonne raison qu’il leur faudrait totalement alterner leurs perspectives intimes et innées. En bref, imaginer que la Terre n’est plus ronde mais triangulaire avec la Chine trônant au sommet. La vie n’est plus faite d’amour, de haine et de peur comme en Occident. La vie n’existe pas. Ou plutôt la vie est biologique, s’opposant à la mort, mais elle n’implique rien du tout, aucune licence, aucune dérogation, et surtout aucun droit. La vie en Chine reste un supplice.
Le Chinois naît supplicié. La vie lui est amertume et souffrance (xinku). Autour de lui, tout n’est que combat, compétition et coups bas. Il faut étudier puis travailler douze heures par jour, des avortements forcés ont lieu jusqu’au sixième mois ; en tout temps, on risque de perdre son porte-monnaie, son emploi et ses organes et par-dessus tout sa face. Des concepts tel que ‘bonheur’ (fuyou) ou ‘satisfaction’ (manyi) sont intraduisibles parce qu’ils ne couvrent pas du tout le même système de valeurs. Le bonheur n’est rendu que par l’argent et la satisfaction signifie que l’esprit ne se pose plus de question. D’autres notions telles que la compassion, la miséricorde ou même l’amour impliquent une réalité totalement décalée de la nôtre. L’amour (aï - elle fait mal) se fredonne dans les chansons et se retrouve dans la poésie, mais n’existe aucunement dans son acceptation judéo-chrétienne. Ce n’est pas que les Chinois n’aiment pas, le mot n’est juste jamais mentionné, car il implique une faiblesse, une concession au non-pragmatisme.
La Chine continentale peut faire preuve de cruauté et d’iniquité inimaginables, mais indispensables au bon fonctionnement des affaires nationales. D’abord, la surpopulation est une calamité et la vie ne vaut rien. Les peuples de la périphérie sont stupides de rejeter leur chance de rentrer au sein du grand empire. La colonisation du Tibet et d’autres minorités serait comme un sacrifice de la part des Chinois. Ils acceptent de les intégrer dans la Civilisation même si le pays est déjà en surnombre. Enfin, les barbares, c’est à dire tout le reste du monde y compris l’Europe, sont des plaies. Des plaies récurrentes avec qui il faut faire avec, parce que suintantes. Des plaies qu’il faut soigner autrement elles risquent de dégénérer. La Chine devient docteur du monde, rachetant la dette américaine et s’élevant au premier rang avec 1 040 milliards de dollars de réserve en 2007. Elle s’occupe de nos maux quotidiens, de la brosse à dent à la voiture. Sans nous donner de leçon, à quoi bon, il ne faut pas que le malade parviennent à fabriquer ses remèdes. Bref, elle est notre bienfaitrice à tous.
La Chine est aussi supplice. Pas un supplice brutal ou évident. C’est un supplice long et agonisant. C’est une baguette que l’on fait avaler lentement, parcelle après parcelle ; d’abord dans la bouche, pour se nourrir ; puis dans la gorge, elle gène mais on s’y habitue. Finalement, elle pénètre plus profondément, provoquant des spasmes et des vomissements. Elle est devenue un mal nécessaire, terrible et inévitable, et les forces occidentales tiennent à être les premières à en recevoir les morceaux lorsqu’elle ressortira par voie naturelle. Salie, écœurante et empreinte de taches de sang, la baguette chinoise restera-t-elle celle qui auscultera le monde ?
Je dirai que non, le monde libre a le droit de changer de médecin, de refuser de payer des honoraires exorbitants ou tout simplement de ne payer que lorsqu’on est guéri comme dans le temps de la Chine ancienne. Tout empire qu’est la Chine, de l’argent sans dessein, du travail sans éthique, des soldats sans code et des dirigeants sans âme, n’en font qu’une coquille vide, ce qui est par ailleurs la pire des insultes en chinois.
Kong Chin-Sui, doctorant, Genève